HARRY CLARKE
(1889-1931)
Illustrateur, peintre, artisan verrier
(1889-1931)
Illustrateur, peintre, artisan verrier
J'ai acheté il y a quelques années un recueil des histoires extraordinaires d'Edgar Poe aux editions « Courtes et Longues », illustrées par Harry Clarke. C'est un des plus beaux livres que j'aie en ma possession aujourd'hui, et les images que j'y ai découvertes m'ont beaucoup marquée. J'ai appris plus tard qu'il s'agissait d'un artiste irlandais, qui excellait au travail sur papier et sur verre. Des œuvres saintes, macabres, colorées et monochromes, il me semble que son œuvre demeure méconnue, et je vais me faire un plaisir d'en faire un petit compte rendu, pour toi visiteur, public, ombre, naïf petit troll.
Harry Clarke est né a Dublin en 1889, où il est formé par son père à l'artisanat du vitrail. Découragé par l'école après la mort soudaine de sa mère, il intègre l'atelier Clarke dès ses 14 ans et intègre la Dublin Metropolitan Art School où des cours du soirs lui permettent de s'améliorer jusqu'à exposer pour ses 20 ans sa première création, "La Consécration de St Mel, évêque de longford", un pote de Saint Patrick, qui a fondé avec lui le diocèse catholique d'Ardagh et qui a contribué à christianniser l'Irlande en début 6eme siècle. C'est l'occasion pour Clarke d'être récompensé de très bonnes appréciations, jusqu'à ce que lui soit attribué une bourse d'études pour partir à Londres. Probablement en vue de conquérir la scène publique et le marché du livre, il décide de mettre à profit sa maitrise du trait et du dessin en noir et blanc pour illustrer des oeuvres d'Alexander Pope ou Coleridge. C'est finalement la maison d'éditions Harrap qui lui propose en 1913 d'illustrer en noir et blanc et en couleurs une nouvelle édition des contes d'Andersen. En teintant ses dessins comme des morceaux de verre, il relève le défi et se fait publier (un peu tardivement) en 1916. Il a eu le temps de s'engager sur un autre projet (Tadam !) celui des Histoires Fantastiques de Poe, pour lesquelles il s'empare de son encre noire et de tout son imaginaire morbide. C'est assez impressionnant de voir à quel point il a su concilier une atmosphère quasi religieuse, suggérée par l'harmonie des lignes, le souci du détail, avec des figures presque en enluminures, pour des personnages monstrueux, des situations cauchemardesques, du sang, des larmes, et encore du sang. J'intègre un petit slide ici pour avoir un aperçu de son travail, à la fois chez Andersen et chez Poe, qui sont les deux premiers pilliers de sa carrière d'illustrateur: (j'espère que photosnack, ça tient le coup et que le diaporama ne disparaitra pas dans la semaine..)
Sa carrière décolle, il expose au Louvre en 1914 un vitrail sur Le bapteme de saint patrick. (Une de ses rares apparitions en France) Son séjour à Paris et à Chartres lui donnent l'opportunité de visiter des cathédrales qui lui serviront de références pour ses prochaines créations en Irlande dont celles dans la chapelle Honan à Cork. Il devient au fur et à mesure, une personnalité clef d'un mouvement artistique qu'on appelera le Arts and Crafts, "Arts et artisanats" disons, qui nait au XIXème siècle en Angleterre, et qui se trouve plutôt proche de l'Art Nouveau Français. Il se caractérise par un retour à des pratiques traditionnelles un peu mises de côté à l'époque rugissante de l'Industrialisation. Des écoles de broderie, de poterie, d'impression à la planche se multiplient, alors que Clarke remet à l'ordre du jour une pratique laborieuse du travail du verre enracinée dans le Moyen Age. P { margin-bottom: 0.21cm; } Inspiré par le symbolisme Celte et le mouvement Art Déco, il fait usage de couleurs vives et franches qui participent à la modernité de ce courant artistique, noyé dans le smog d'un Londres industrialisé. Sa particularité esthétique demeure celle de s'étendre aux objets du quotidien et d'allier décoration, utilité et didactique. Clarke dessine des fenêtres, (même des vitraux miniatures pour des commandes privées) mais aussi des boîtes, des cadres, des mouchoirs, et même des lanternes! Illustrare signifiant "éclairer" en latin, l'idée est plutôt bien venue.
Pour le plaisir des yeux, un deuxième diapo, avec ses vitraux les plus connus en vrac (il en a fait plus de 150 dans sa vie, les copains) et en première place, le plus grand des plus grand, The Eve of St Agnes (La veille de la Sainte Agnès), dont je vais parler plus en détail juste après...
Pour le plaisir des yeux, un deuxième diapo, avec ses vitraux les plus connus en vrac (il en a fait plus de 150 dans sa vie, les copains) et en première place, le plus grand des plus grand, The Eve of St Agnes (La veille de la Sainte Agnès), dont je vais parler plus en détail juste après...
En fait, jvais m'en tenir au minimum en ce qui concerne cette piece, son plus grand achèvement, en signalant qu'il s'agit d'une adaptation picturale d'un poème de John Keats, qui évoque une légende (plutôt une superstition) irlandaise, selon laquelle, à la veille du jour de la Sainte Agnès, les jeunes vierges pourraient avoir une vision en rêve de leur futur époux si elles se livrent à un rituel précis. Si ça vous intrigue, direction wikipedia, en anglais only par ici. Ce qui est curieux, c'est que c'est un thème et une imagerie bien sensuels pour l'endroit auquel cette oeuvre avait été destinée au départ. Elle devait décorer une célèbre biscuiterie de l'époque, Jacob's, du nom du propriétaire, qui souhaitait un vitrail pour orner sa boutique, sans sujet précis en tête. Habitué de Littérature et de poésie, mais aussi très inspiré par le folklore et les rituels religieux, Clarke a cru bon de choisir ce poème, représenté en 11 différents petits panneaux exposés aujourd'hui à la Hugh Lane Gallery de Dublin. Jacob's a payé à l'époque l'équivalent de 180 euros (160 pounds) pour cette oeuvre que l'on peut observer de près ici.
Dommage, il n'y a aucune mention de ses croquis préparatoires, qui sont pourtant dans le même musée, et qui laissent préfigurer que sa carrière d'illustrateur papier a perduré grâce à des propositions florissantes de la part de nombreux éditeurs. Il illustre The Years at the Spring de Lettice D'O Walters, les contes de Perrault, ceux de Algernon Charles Swinburne et le célèbre Faust de Goethe, pour lequel son imagerie macabre qui l'avait servi pour Poe se renouvelle dans des petites vignettes sobres et morbides, voire grotesques qui lui ont valu bon nombre de critiques, mais qui font la fierté de Clarke qui le considérait comme son meilleur travail. En 1928, il a participé à l'illustration de 15 grands ouvrages pour environ 150 vitraux. Sa santé se détériore, certains supposent à cause de la toxicité de certains produits dans son atelier de verrier qu'il avait reçu de la mort de son père. Sa dernière création est un vitrail pour la ville de Genève, "The Geneva WIndow" qui immortalise 15 grands hommes de lettres Irlandais, à l'origine du "Renouveau Celtique" littéraire de début de 20eme siècle, comme Yeats, Padraic Colum, Lennox Robinson, et Liam O’Flaherty. Il est honnoré par le succès de cette dernière pièce et est finalement emporté un an après son frère par la tuberculose à 41 ans.
A l'heure qu'il est, j'ai beaucoup de mal à retrouver les lieux d'exposition de ses dessins originaux, exceptés ceux du St Agnes, j'en déduis qu'ils n'ont pas été largement diffusés, et peut être restés dans l'intimité familiale. Quoi qu'il en soit, ses illustrations demeurent, ses vitraux continuent d'orner les chapelles d'Irlande, les mémoriaux de guerre, et parfois même des cafés (le Bewley's café de Dublin ici) . J'ai vraiment trouvé intéressant de me renseigner sur la vie de cet artiste qui a porté ses oeuvres à un niveau sacré, les élevant jusqu'aux voutes des cathédrales. Il a donné à ses talents de dessinateur une dimension métaphysique, faisant le lien entre l'espace de Dieu et celui des hommes. Il a exposé dès le début son œuvre à la lumière, en transparence, et a laissé l'observateur nourrir ses yeux des morceaux de soleil qu'il a précieusement niché entre les plombs. Clarke fut orfèvre et conteur, pour des histoires entre feuillets, ou haut sur les murs, pour un public plus vaste qui apprend alors à lire, et à admirer la magie de ces histoires d'ombres. En abusant du noir sur papier et sur verre, il installa une ambiance quasi nocturne et mystérieuse, propice aux contes à lire tard le soir. Une atmosphère où règnent l'imagination et le fantastique, le sacré et l'horreur...
A l'heure qu'il est, j'ai beaucoup de mal à retrouver les lieux d'exposition de ses dessins originaux, exceptés ceux du St Agnes, j'en déduis qu'ils n'ont pas été largement diffusés, et peut être restés dans l'intimité familiale. Quoi qu'il en soit, ses illustrations demeurent, ses vitraux continuent d'orner les chapelles d'Irlande, les mémoriaux de guerre, et parfois même des cafés (le Bewley's café de Dublin ici) . J'ai vraiment trouvé intéressant de me renseigner sur la vie de cet artiste qui a porté ses oeuvres à un niveau sacré, les élevant jusqu'aux voutes des cathédrales. Il a donné à ses talents de dessinateur une dimension métaphysique, faisant le lien entre l'espace de Dieu et celui des hommes. Il a exposé dès le début son œuvre à la lumière, en transparence, et a laissé l'observateur nourrir ses yeux des morceaux de soleil qu'il a précieusement niché entre les plombs. Clarke fut orfèvre et conteur, pour des histoires entre feuillets, ou haut sur les murs, pour un public plus vaste qui apprend alors à lire, et à admirer la magie de ces histoires d'ombres. En abusant du noir sur papier et sur verre, il installa une ambiance quasi nocturne et mystérieuse, propice aux contes à lire tard le soir. Une atmosphère où règnent l'imagination et le fantastique, le sacré et l'horreur...